16 décembre 2006

comprendre l'histoire intellectuelle et les catégories de pensée

Le magasin Tang et les sources en Histoire.



Au premier abord il est bien difficile de faire le lien entre ces deux choses. Tang est solidement implanté dans le quartier chinois (triangle de Choisy) et même si on peut dire que faire des courses dans ce quartier sans y passer c’est comme faire de l’histoire sans aller aux Archives nationales la comparaison pourrait s’arrêter là. Aller chez Tang, pour quelqu’un qui ne connaît la cuisine asiatique qu’a travers la multitude de petits (et souvent très bons) traiteurs chinois qui pullulent dans Paris (et un peu partout en France), c’est rencontrer un autre univers. On rentre là-dedans timidement, au milieu d’Asiatiques (désolé pour le terme générique) qui sont aussi habitués à venir faire leurs courses ici qu’à voir des « Occidentaux » chercher quelques aventures.

On s'y perd facilement. Physiquement d’abord, car pour ce qui est des classements rien à voir, ou presque, avec un bête supermarché Carrefour ou Auchan. On a l’impression que tout est rangé n’importe comment, les viandes avec le poisson, les sauces avec la bière ou ce que l’on croit en être, et le seul point de repère qui nous reste est le rayon des pâtes qui ne contient... que des pâtes. Heureusement qu’en dessous des noms en chinois ou en vietnamien il y a des étiquettes qui nous permettent de nous y retrouver.

Et, conséquence de cela, nos sens se perdent. L’odorat nous joue des tours, et le nez se laisse apprivoiser par des odeurs qui, même si elles nous sont connues, sont rarement associées. Les odeurs de viande se mêlent à celles du plus sucré des parfums, et même les légumes ont des odeurs impensables (on avait même oublié que les légumes avaient une odeur !). Pour ma part, j’aime bien savoir où je vais dans un magasin et trouver chaque chose à sa place. Je trouve ça rassurant de savoir que dans le rayon « petit-déjeuner » on va pourvoir trouver ses céréales préférées et à deux pas de là, la confiture qui nous fait partir de chez nous de bonne humeur.

Alors qu’est-ce qui fait que l’on se sent perdu ? Le classement de la nourriture chez Tang, tout comme chez Carrefour, correspond à des pratiques différentes des nôtres. Le classement répond à une grammaire, des mots, par laquelle on peut retrouver des choses, les pratiques. Ce n’est cependant pas facile d’étudier cela. Comment savoir ce qui est de l’ordre du petit-déjeuner chez les Asiatiques et ce qui ne l’est pas ? Est-ce que je dois reprendre tout ce qui a mes yeux constitue un petit-déjeuner et le réunir, sans tenir compte du fait que les objets qui le composent n’ont pas de lien entre eux pour les Asiatiques ? Etc.

Si cela peut paraître évident pour ce qui est du magasin Tang, cela devrait être évident pour les sources en histoire. Quand on s’intéresse aux choses du passé, on rencontre des mots parfois identiques à ceux d’aujourd’hui. Mais ils ne sont pas employés dans le même sens et ne sont pas utilisés de la même façon. Le mot « entreprise », qui aujourd’hui renvoie à une institution, à une structure, ne se retrouve pas comme tel dans les archives du 18e siècle en France -après le passage sur Tang il est difficile de ne pas ajouter de repère géographique ; ce qui est valable pour un endroit ne l’est peut-être pas pour un autre-. Il renvoie à une action et non à une « abstraction » : quelqu’un se lance dans l’entreprise de quelque chose. L’entreprise n’existe pas au 18e siècle sous le même vocable qu’aujourd’hui. Elle n’a pas non plus de salariés comme on l’entend aujourd’hui. S’intéresser aux mots nous amène néanmoins à appréhender des classements, et des pratiques et surtout à ne pas voir des choses qui n’existent pas. Cela permet de comprendre quels sont les catégories de pensée. Bref, cela permet de saisir le passé pour ce qu’il est vraiment, quelque chose de différent.

Alors, quand je rentre chez Tang, je retrouve le même vertige que lorsque je me penche sur les sources en Histoire. Surtout si ce n’est pas une reproduction mais une archive originale. Elles sont pleines d’odeurs de vieux papiers, de bois etc. Des odeurs qu’on n’a pas l’habitude de sentir...

1. Arlettre farge le décrit magnifiquement dans son livre « Le goût de l’archive », parut chez Seuil.

1 Commentaires

Blogger Радомир Эра said...

Si vous avez eu des problèmes financiers, il est temps pour vous de sourire. Vous n'avez qu'à contacter M. Benjamin avec le montant que vous souhaitez emprunter et la période de paiement qui vous convient et vous aurez votre prêt dans les trois jours ouvrables. Je viens de bénéficier pour la sixième fois d'un prêt de 700 mille dollars pour une période de 180 mois avec la possibilité de payer avant la date d'expiration. M. Benjamin m'a aidé avec le prêt.Contactez-le et vous verrez qu'il est un homme très honnête avec un bon cœur.Son email est lfdsloans@outlook.com / lfdsloans@lemeridianfds.com et son numéro de téléphone WhatApp est + 1-989-394-3740

08 avril, 2020 12:13  

Enregistrer un commentaire

<< Home